Le marché du numérique
Infos/Intox : révisez vos idées à propos du livre numérique.
Sommaire
de cette page :
Échec ou succès ?
- Ce qu’on vous dit : le livre numérique ne « marche pas » en France.
- La réalité : 20 à 60 % des livres de fiction sont lus en numérique en France (selon le genre). Mais ce marché est en train d’échapper aux éditeurs « officiels ».
On lit souvent que les ventes d’ebooks n’ont représenté que 8,42 % du marché français du livre en 2018 (contre 4 % en 2014 et 3 % en 2013) (chiffres délivrés par le Syndicat National des Éditeurs). Ces chiffres sont extrêmement trompeurs quand on y regarde de près, car ils ne reflètent qu’une très faible partie de l’offre globale d’ebooks et ne tiennent pas compte de la consommation.
On compare :
- D’un côté, le marché du livre vendu, y compris les publications institutionnelles, les livres éducatifs, le livre-audio, les livres pour enfants et les bandes-dessinées (dont la publication en numérique est fortement pénalisée, compte tenu de la taille des écrans) ;
- De l’autre, les ebooks publiés et vendus par des éditeurs « officiels » .
Or, selon une étude IFOP/HADOPI de 2014, 71 % des consommateurs d’ebooks se les procurent gratuitement ! ! Quant aux ebooks autoédités, Amazon, première plateforme de vente en France, ne cache pas qu’ils représentent un tiers des titres écoulés en numérique. On est donc en train de mesurer le marché de l’EBook à l’aide de paramètres aveugles aux spécificités de ce nouveau marché. La plus grande partie des ebooks qui sont lus n’entrent pas dans les statistiques.
- Ce qu’on vous dit : le prix moyen des livres numériques est inférieur de 30 % à celui des livres-papier.
- La réalité : le prix moyen des livres numériques vendus est sans doute inférieur de plus de 90 % à celui des livres-papier.
Le biais d’analyse est le même que pour le point précédent : on compare les prix des ebooks et des livres-papier dans les catalogues des éditeurs « officiels ». C’est oublier que l’immense majorité des ebooks proposés à plus de 3 euros ne se vendent pas. Comparer les prix des livres proposés en catalogue n’a donc aucun intérêt. Ce qui importe, c’est le prix moyen de ce qui se vend vraiment. Selon le diffuseur numérique Immateriel.fr, ce prix se situe entre 1, 99 et 2,99 euros. Si l’on compense cette moyenne en intégrant l’offre considérable d’ebooks gratuits disponible sur le Net, on arrivera probablement à un prix moyen très inférieur à un euro.
On comprend dès lors que l’analyse du marché du livre en termes de chiffre d’affaires
escamote complètement ce que représente aujourd’hui le livre numérique dans les
habitudes de consommation.
- Ce qu’on vous dit : les lecteurs français n’aiment pas le numérique.
- La réalité : les grands éditeurs français tentent de retarder le développement du livre numérique.
Ce qui caractérise le marché français, ce n’est pas l’opposition des lecteurs aux nouvelles technologies, mais plutôt la situation quasi monopolistique des cinq groupes d’édition qui contrôlent le marché (Hachette, Editis, Madrigall, La Martinière et Albin Michel). Cette concentration exceptionnelle a permis le maintien d’une stratégie résolument hostile au numérique dont le développement pourrait mettre les équilibres existants en péril.
- Dans un premier temps, ces groupes sont partis en guerre contre Google Books avant de refuser toute forme de partenariat avec Amazon et Apple Store.
- Courant 2011, l’alliance tacite qui unit les éditeurs français se fissure et Flammarion signe un accord de distribution avec Amazon. Les autres éditeurs finissent par se ranger à cette option et se lancent de mauvais gré dans l’aventure du numérique.
- Le manque d’enthousiasme dont ils font preuve est flagrant. Prix de vente très élevés, verrouillage par DRM et conversion très tardive des catalogues vers le numérique…, tout semble fait pour décourager les acheteurs.
- Dans le même temps, le taux d’équipement des lecteurs explose : le nombre de smartphones, de tablettes et de liseuses croît de façon phénoménale. Faute de pouvoir s’approvisionner en livre numérique chez les principaux éditeurs existants, le public se tourne vers des sources alternatives : piratage, livres autoédités à bas prix chez Amazon, livres gratuits, etc.
- Le résultat de ce rendez-vous manqué se traduit dans les chiffres de vente des éditeurs officiels. Chiffres présentés comme la preuve de l’« échec » du livre numérique en France. Il y a bien un échec, en effet, mais ça n’est pas celui du livre numérique, c’est celui des stratégies suivies par les principaux acteurs du marché.
Le numérique dépasse déjà le papier dans certains secteurs.
Si vous avez écrit un roman de littérature fantastique, de science-fiction ou de romance et que vous souhaitez le voir diffuser aussi largement que possible, ce n’est plus aux éditeurs de livres-papier que vous devez vous adresser, mais à ceux qui sont largement présents sur le secteur du livre numérique.
Dans ces secteurs, en effet, comme d’en beaucoup d’autres, le lectorat visé s’est déjà majoritairement tourné vers le numérique quant à ses habitudes de consommation.
Le graphique ci-dessous n’est pas directement extrapolable au marché français, puisqu’il concerne les USA. Il montre toutefois à quel point la pénétration du livre numérique change en fonction du genre littéraire :
Source : Book Industry Study Group
De même, en France, certains éditeurs spécialisés dans la romance ou la fiction populaire réalisent désormais la majorité de leurs ventes en numérique. C’est le cas de Bragelone ou de Harlequin, par exemple.
Le boycot de la grande presse
- Ce qu’on vous dit : les livres autoédités sont de mauvaise qualité.
- La réalité : certains livres autoédités se vendent aussi bien que les lauréats des prix littéraires.
Sur les milliers de livres autoédités qui se publient chaque année en France, il est évident qu’une grande majorité a de quoi consterner les lecteurs : orthographe et syntaxe catastrophiques, plagias sans scrupules et contenus mal fagotés caractérisent la plupart d’entre eux. Impatients de voir leurs noms dans un catalogue de vente en ligne, souvent inconscients de ce qui définit un ouvrage de qualité, dans le fond comme dans la forme, un trop grand nombre d’auteurs autoédités « oublient » les relectures et autres étapes indispensables à une publication digne de ce nom.
Mais cette immense forêt ne doit pas cacher les quelques arbres majestueux qui la surplombent. Le classement des meilleures ventes réalisées par Amazon comporte presque chaque mois un « petit » éditeur ou un auteur indépendant dont les ventes dépassent les dix-mille exemplaires. Et puisque la reconnaissance du public est un paramètre essentiel pour atteindre un tel score, on est bien forcé de reconnaître que ces ouvrages ont du succès.
Les éditeurs « officiels » ne sont pas entièrement aveugles à ce phénomène puisque certains d’entre eux repèrent désormais les indépendants qui sortent du lot pour leur proposer des contrats en bonne et due forme. Libre à l’auteur de continuer son aventure en solo ou de se ranger dans le système classique.
La presse littéraire, de son côté, reste obstinément attachée aux filières officielles et ferme les yeux sur ce phénomène grandissant, tout comme elle a fermé les yeux sur les succès des genres littéraires considérés comme « mineurs » tels que la fantasy et la romance. Elle persiste à surreprésenter très largement les lauréats des grands prix littéraires (même lorsqu’ils sont boudés par le public) et les sorties des « grands » éditeurs, tout en ignorant presque totalement l’émergence du numérique et des nouveaux acteurs du marché.
Les nouveaux circuits créés par le numérique rendent pourtant service à de nombreux petits éditeurs émergents qui y trouvent le moyen de contourner les circuits traditionnels, trop lourds et trop verrouillés par les principaux groupes éditoriaux. On peut au moins reconnaître au livre numérique ce mérite : il favorise la pluralité et la vivacité de la production littéraire.
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