L'universalité
Certains textes sont tellement personnels qu'il est délicat de les publier
Bonjour XX,
Je vous remercie pour votre appréciation du site des éditions Humanis, comme pour
votre envoi et pour la confiance dont il témoigne.
De mon point de vue, votre texte n’est pas publiable sans un travail de refonte
très important. Trop important, peut-être, pour que l’entreprise vaille la peine
d’être tentée. Mais comme je l’exprime déjà sur le site, il convient de prendre
le point de vue d’un éditeur avec beaucoup de recul. Je ne détiens aucunement
la vérité et je ne fais qu’exprimer une position. Je vais simplement clarifier
cette position dans ce qui suit. À vous de voir dans quelle mesure elle peut vous être utile.
- Votre texte est extrêmement personnel à tous points de vue. Il est très touchant par de nombreux aspects et notamment par la sincérité de l’introspection à laquelle vous vous êtes livré. Mais en tant qu’éditeur, les questions que je suis tenu de me poser sont « Quelle est la cible ? », « Quel est le public que ce texte peut intéresser ? » Et il m’apparaît que votre texte est absolument centré sur votre problématique personnelle, et que cette problématique est tout à fait extraordinaire. Il en ressort que bien peu de lecteurs risquent de se sentir suffisamment concernés pour applaudir ce texte. Car pour qu’un livre se vende, il ne suffit pas que les lecteurs le trouvent "intéressant", il faut qu’ils le trouvent "absolument génial", et, dans le cas d’un livre-témoignage, cela n’arrivera pas s’ils ne se sentent pas étroitement concernés par son sujet.
- La catégorie à laquelle votre texte appartient est déjà un obstacle en soi. Il s’agit clairement d’un livre-témoignage. Or, ce type de livre, à moins qu’il ne s’agisse d’un témoignage sur un sujet "people" ou sur un sujet porteur de rêve (expédition au pôle Nord ou chez les Zoulous, par exemple), est très difficile à commercialiser.
Il me semble que vous avez d’abord écrit ce livre pour vous-même, avant de l’écrire
pour des lecteurs. Ce qui en résulte est un aboutissement logique de votre démarche :
votre livre n’est pas un "produit". Or, les éditeurs veulent des "produits" car
leur objectif est de réaliser des ventes. De ce point de vue, je suis un éditeur
comme un autre. Le marché a une logique que je ne peux pas (et que je ne souhaite
même pas) changer. Je ne suis pas Don Quichotte.
Cela étant posé, je vais vous dire ce que je pense de votre démarche en tant que
"collègue" écrivain et en tant qu’être humain : vous avez eu bougrement raison
de faire ce travail. Il vous a enrichi de multiples façons et vous n’avez pas
fini d’en récolter les fruits, car vous êtes allé au bout de votre entreprise
avec un courage et une sincérité absolument admirables. Je ne vais pas extrapoler
sur ce que vous y avez gagné du point de vue du regard que vous portez sur vous-même.
Je vais me contenter de parler des bénéfices que cela vous apporte en tant qu’écrivain
en construction :
- Ça y est : vous vous êtes démontré à vous-même que vous étiez capable d’écrire un livre. Le premier livre est comme le premier pas, c’est le plus difficile. Vous avez terrassé vos doutes, et la plupart d’entre eux ne s’en relèveront jamais. Vous voilà libre d’entamer votre deuxième livre, et la tâche sera infiniment plus facile que pour le premier.
- Car ce galop d’essai vous a dégourdi la plume. Que cela soit conscient ou non, cet exercice vous a permis d’affermir votre technique et de faire le tour d’un certain nombre de problèmes qui se sont inévitablement posés au cours de ce travail. Votre esprit détient désormais des solutions à ces problèmes, et votre prochain ouvrage sera bien meilleur que celui-ci.
- Ce premier livre achevé vous offre une expérience que rien d’autre n’aurait pu vous apporter : vous pouvez le contempler avec recul et vous poser des questions telles que « Pourquoi l’ai-je écrit ? », « Qu’avais-je d’important à dire ? », « Comment aurais-je du m’y prendre pour que ça se passe mieux ? », etc.
Tout cela étant dit, je comprends parfaitement votre envie de le faire publier et
je pense que ça serait certainement une bonne chose que vous trouviez un moyen pour cela.
Si vous échouez à trouver un éditeur (ce qui n’a pourtant rien d’impossible ;
vous savez sans doute qu’il faut se montrer opiniâtre dans cette démarche, pour
avoir une chance de la voir aboutir), il serait intéressant que vous vous intéressiez
à l’autoédition. C’est une voie particulièrement adaptée à la publication d’un
texte tel que celui-ci. Si votre aventure débouche sur cette option et que vous
peinez dans sa mise en œuvre, n’hésitez pas à me recontacter pour me demander
mon aide. Je vous éclairerai avec plaisir.
Dans tous les cas, je vous souhaite une merveilleuse nouvelle vie.
Très cordialement.
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