La sophistication

Il est dangereux de chercher à écrire un livre trop intelligent

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Bonjour XX,

J’ai lu vos deux textes et je suis aussi bluffé par ceux-là que par le précédent. Quelle extraordinaire maîtrise de l’écriture ! Mais malgré l’admiration éperdue que vous suscitez en moi, et au risque de devenir très agaçant par le chaud/froid que je vous distille, je ne pense pas non plus pouvoir les publier. Il ne m’est pas facile de justifier ce refus, étant donné la qualité littéraire exceptionnelle de ces textes, mais je vais essayer.
La plupart des textes que je reçois se classent dans la catégorie "pas assez". Ils manquent de maîtrise, de travail, de construction, d’ambition, d’engagement… j’en passe et des pires. Le vôtre se classe dans la catégorie des "trop" qui comporte bien moins de membres.

Voilà l’essentiel de mes arguments. Mais entendez-moi bien : je vous expose mon point de vue. Je n’irai pas jusqu’à vous demander d’adapter votre façon d’écrire aux préceptes qui se dégagent de ces remarques. Vous écrivez merveilleusement et je ne me sens aucunement en position de vous faire la leçon. Je ne fais qu’énoncer ce qui représente à mes yeux certaines des conditions pour qu’un texte devienne populaire.
Voulez-vous écrire un texte qui devienne populaire ? Dans l’affirmative, estimez-vous que mes points de vue font preuve de bon sens et pourraient permettre d’atteindre cet objectif ? C’est entièrement à vous qu’il revient d’en juger. S’il s’avérait que vous opinez à ces deux propositions, mes conseils seraient alors : faites simple, écrivez avec simplicité une histoire simple, inspirez-vous des recettes simples qui fonctionnent par ailleurs et insufflez votre génie et votre maîtrise extraordinaire dans ces systèmes éprouvés (celui de Lester Dent, par exemple, mais il en existe bien d’autres). Le succès sera au rendez-vous.

Je résumerai ma vision des choses par les trois affirmations suivantes :

Et comme j’ai évoqué à plusieurs reprises ce qui me semble correspondre aux attentes du "grand public", je ne voudrais pas que vous pensiez que j’oppose le lectorat d’aujourd’hui à celui des deniers siècles, ou le roman de gare aux œuvres dites "classiques" ou "littéraires". Il me semble, par exemple, que les œuvres de Maupassant, de Dostoïevski ou de Steinbeck comportent très exactement ce qu’il faut pour séduire le grand public. Et elles y parviennent, même aujourd’hui. J’espère que vous saurez m’entendre si je vous dis : votre maîtrise est au moins égale à celle de ces auteurs ; ce qu’il vous manque, c’est leur simplicité.

Je vous renouvelle mon admiration et vous souhaite un brillant succès, quel que soit le sens que vous donnez à ce terme.

Très cordialement.
 

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