Le vocabulaire

Certains auteurs placent trop de confiance en leurs mots.

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Bonjour XX,

Je vous remercie pour votre envoi et pour la confiance dont il témoigne.

Votre texte n’a malheureusement pas été retenu pour publication. Voici la note qui justifie ce refus :

L’auteur est amoureux des mots. Hélas, l’amour rend aveugle. Les mots en lesquels il a visiblement placé trop de confiance, sur lesquels il comptait pour embellir sa pensée, l’ont trahi sans la moindre vergogne, faute d’avoir été encadrés strictement. Son vocabulaire, pourtant riche et pittoresque, est utilisé de façon décalée, imprécise, parfois à contresens, souvent dans un sens inadapté. On admire la recherche permanente de l’emphase qui s’exprime dans ce texte, mais cette recherche échoue dans ses effets, en raison de la maladresse des tournures et du contre-emploi des mots. Des problèmes de concordance des temps se posent également de façon fréquente. L’ensemble ressemble à un catalogue d’expressions et de jolis mots jetés en fatras sur le papier, sans la maîtrise nécessaire pour les choisir et les ordonner correctement. Le décalage qui en résulte rend ce texte prétentieux au point d’être impubliable. L’auteur gagnerait à faire usage d’une langue plus simple, moins ambitieuse, qui lui permettrait de s’exprimer avec plus de justesse. Car l’on devine une imagination féconde et un talent de conteur indiscutable derrière ces désordres.

Il est extrêmement périlleux, pour ne pas dire suicidaire, de placer sa confiance dans les mots, car ils profitent de la première occasion venue pour trahir notre pensée. L’auteur ne devrait user que de mots et d’expressions qu’il connaît parfaitement et dont il est certain de savoir juguler les caprices permanents. Le cavalier prudent ne choisit pas un étalon fougueux – aussi beau soit-il – pour parcourir un long chemin. Encore moins une horde d’étalons sauvages. Le cavalier prudent choisit une monture paisible et de bon tempérament, capable de le mener à sa destination sans le perdre en chemin, et sans l’exposer à une chute mortelle.


La plupart des éditeurs se refusent à justifier leur refus, faute de temps et par crainte, sans doute, de froisser les auteurs en leur adressant une critique négative de leur texte. Les éditions Humanis font le choix de jouer cartes sur table en expliquant à chaque auteur (et à chaque fois que nous disposons du temps nécessaire) pourquoi son texte n’a pas été retenu. Pour autant, le point de vue que nous exprimons sur votre écrit ne doit certainement pas être considéré comme une vérité indiscutable. Chaque lecteur – fut-il professionnel – porte un regard subjectif sur le texte qu’il juge. Nous vous invitons donc à confronter notre appréciation avec celles d’autres lecteurs et d’autres éditeurs, afin de déterminer dans quelle mesure elle peut être fondée.

Notre commentaire porte sur le texte que vous nous avez soumis, et non pas sur votre personne. Soyez assuré que – quelle que soit la nature de notre appréciation – nous éprouvons un profond respect pour votre démarche d’écrivain comme pour le travail et le courage qu’elle implique. Il n’est pas un auteur, aussi grand soit-il, qui n’ait dû faire face au refus de l’un de ses textes par un éditeur. Nous souhaitons sincèrement que ce refus argumenté représente finalement un moyen de progresser dans votre travail, et ne soit en aucun cas un motif de découragement.

Nous vous souhaitons une belle réussite dans vos projets.

Cordialement.

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